Après un an de travaux, les salles de La mécanique de l’art ont ouvert leurs en novembre dernier. Sur 900 m2, avec une scénographie entièrement renouvelée, les œuvres d’art et les objets industriels, illustrent les liens entre l’histoire industrielle et la production artistique. Une visite extrêmement dense ! C’est la raison pour laquelle cet article est consacré aux rubans. Le métier à tisser, les cycles et les armes seront dans un prochain article.

Musée d’Art et d’Industrie, Saint-Étienne

Le comté de Forez

Le comté de Forez, actuellement le département de la Loire, devient indépendant de Lyon. Sa capitale, Montbrison. Il est gouverné par une lignée comtale issue des comtes de Lyonnais et Forez, vassaux du roi de France.

Aux XIIIe et XIVe siècles, Saint-Étienne n’était qu’un village bâti au pied d’une éminence appelée aujourd’hui montagne ou colline Sainte-Barbe, le long du Furan, un affluent de la Loire et qui traverse la ville du Nord au Sud. C’est sur ces bords, au pied de la colline Sainte-Barbe que la ville est née au XIIe siècle. En 1372, Anne, est la seule héritière du comté et son mariage avec le duc Louis II de Bourbon fait entrer le comté de Forez dans un État bourbonnais plus vaste, celui des ducs de Bourbon. Ce qui permettra, plus tard à François 1er d’en prendre possession après une trahison du connétable de Bourbon ! Le Forez va connaître un siècle d’épidémies et par conséquent, une catastrophe démographique. Des révoltes paysannes éclatent dans les années 1420.

L’industrie, toute une histoire !

Louis-Antoine Beaunier (1779-1835). Outre son travail en Sarre, il est le créateur de la première ligne de chemin de fer française en 1827.

Si, en 1267, le charbon est déjà extrait du sol stéphanois, une ordonnance de Louis XVIII, en date du 2 août 1816, créé l’« École de Mineurs ». Sous l’impulsion de son premier directeur, Louis-Antoine Beaunier, nommé ingénieur des mines en octobre 1798 (L’École des Mines a été fondée en 1783). Il n’était pas prévu que l’École des Mineurs fût aussi une école de métallurgistes mais son directeur était un entrepreneur dans l’âme travaillant sur des projets commerciaux dans les moments de liberté que lui laissait le service de l’État. Bientôt l’école fournit des ingénieurs et des chefs d’entreprise pour la mine, le travail des métaux, la chimie. Louis-Antoine Beaunier s’associe à un banquier pour créer, en 1819, les Aciéries de la Bérardière, au bord du Furan, une usine qui fonctionnera jusqu’en 1962, fabriquant du « bel acier ». C’est l’un des premiers exemples d’une association d’un capitaliste et d’un ingénieur mettant en œuvre des techniques nouvelles. La métallurgie est devenue une science à la fin du XIXe siècle.

Une ville qui se développe

Le décret impérial du 25 juillet 1855 établit le siège de la Préfecture du département de la Loire à Saint-Étienne à compter du 1er janvier 1856. La ville connaît un bel essor avec la production houillère, le démarrage et l’apogée de la sidérurgie, la prospérité de l’armurerie (La Manufacture Française d’Armes est fondée en 1893 par Etienne Mimard et Pierre Blachon) et de la rubanerie, facilitée par la naissance du chemin de fer. Les Trente Glorieuses et la société de consommation bénéficient encore à Saint-Étienne, Manufrance en constitue le meilleur exemple. Les conflits coloniaux entretiennent la production d’armes. A partir des années 1970, vient le temps de la désindustrialisation et des reconversions.

Le Musée d’Art et d’Industrie, l’histoire de la ville « La Mécanique de l’art »

Saint-Étienne est l’héritière d’une créativité et d’un artisanat unique ! Ce que reflète la nouvelle version de son Musée d’Art et d’Industrie créé en 1832 sous le nom de « musée de Fabrique »qui mettait à l’honneur, déjà, les produits de l’industrie locale avec, en 1851, les armes du Maréchal d’Empire Nicolas-Charles Oudinot à l’origine du musée d’artillerie. En novembre dernier, après un an de travaux, le nouveau parcours permanent « La mécanique de l’art » a ouvert ses portes. « Le musée d’Art et d’Industrie de Saint-Étienne engage une transformation en profondeur, sans pour autant modifier son ADN, celui d’une institution ancrée dans un territoire industriel. Sa vocation : préserver et montrer des modèles techniques et artistiques en lien avec le tissu des entreprises du territoire ». explique Marie-Caroline Janand, Directrice du Pôle Muséal de la ville.

« La Mécanique de l’art » : explorer le lien entre l’art et l’industrie

Fabriqué à l’aide des métiers à tisser, le ruban trouve tout naturellement sa place dans « La mécanique de l’art ».

Ajouter de l’esthétique avec des œuvres d’art, de la sensibilité à la mécanique pour raconter la riche histoire industrielle de Saint-Étienne, c’est l’ambition de ce nouveau parcours. Comprendre comment des artistes se sont associés à l’industrie. Une approche qui n’est donc plus essentiellement technologique mais une proposition, à travers des objets uniques, de redécouvrir de manière ludique et pédagogique les métiers et les savoir-faire : le ruban, fil rouge de l’exposition dédié à la passementerie avec un objet du quotidien qu’on ne regardera plus avec les mêmes yeux, le ruban ; c’est aussi, bien sûr, la très belle collection d’armes sur 950 m2, le parcours cycles, un panorama de l’évolution du cycle technique utilitaire et sportif jusqu’à nos jours, et enfin, ces engins incroyables de beauté, les métiers à tisser, sans oublier les cycles…

Ce lot de rubans d’ameublement illustre un usage raffiné de la soie dans la décoration intérieure (fauteuils, rideaux). procédé de fabrication inventé par Louis Lafond et utilisé par Joachim Couchoux.

Le monde magique des rubans

Le ruban n’est pas un objet mais un accessoire…

Un monde incroyable que celui des rubans ! Fabriqués à Saint-Étienne depuis le XVe siècle, la collection du musée d’Art et d’Industrie est la plus importante au monde avec plus de 2 millions d’échantillons et pour beaucoup, accessibles visuellement en ligne. Dès la fin du 18e siècle, l’activité rubanière façonne progressivement la ville, ses quartiers et emploie jusqu’à 30 000 personnes au milieu du 19e siècle. Cette petite bande de tissu est passée de l’utilisation pratique à l’Antiquité à l’ornement chez les Égyptiens. Comme bordure, comme lien. Fabriqués à la main, en soie, en coton, en lin. La révolution industrielle a transformé radicalement le ruban. Les métiers à tisser mécaniques ont permis de produire des rubans en grande quantité.  Ils sont ainsi devenus plus accessibles et abordables. Cela a permis non seulement de toucher un public plus large mais aussi une multitude d’utilisations : dans le milieu de la mode (robe, chapeau, sac…), de la santé, de la bijouterie, chez des fleuristes, sur des cadeaux, rubans adhésifs médicaux… C’est le ruban de Sidaction, d’Octobre Rose. C’est le ruban honorifique de la Légion d’honneur, le ruban lithurgique…

Le ruban, c’est la mode !

Des costumes raillés par Molière dans les Précieuses Ridicules à aujourd’hui, le ruban fait partie intégrante de la création de mode. Cet accessoire soyeux règne
sur le costume féminin et s’exprime à profusion dans les créations chapelières de modistes renommées comme Elsa Schiaparelli, Nina Ricci, Lucie Grégoire
ou Marie Mercier. On le retrouve dans la chaussure (Robert Clergerie, Charles Jourdan, Roger Vivier) et comme signature dans la parfumerie. Chanel, Dior, Olivier Lapidus, Lanvin ou Yves Saint Laurent ont utilisé cet accessoire en l’adaptant aux codes vestimentaires de leurs maisons.

Robe bustier en dentelle de Franck Sorbier – Musée d’Art et d’Industrie de Saint-Étienne

Au musée d’Art et d’Industrie, un fonds plus spécifique au milieu de la mode et de la haute couture contemporaine se constitue progressivement depuis 2002. Cette collection se singularise au travers d’acquisition de pièces vestimentaires uniques où mode contemporaine et ruban ne font qu’un. Le musée conserve ainsi plus d’une soixantaine de modèles de créateurs différents comme Franck Sorbier, Maurizio Galante, Chanel, Eymeric François, la maison Martin Margiela, Marithé et François Girbaud ou Elsa Esturgie crées entre 2001 et 2012 mais repérés et acquis au moment de leur création. Des couturiers chez lesquels le ruban édifie à lui seul la structure du vêtement. Chaque pièce fait l’objet d’une documentation détaillée permettant de remonter si possible jusqu’au fabricant de rubans.

« Ibis rouge », don de Franck Sorbier, 2019.

Ibis rouge, modèle de Franck Sorbier a été créé pour la collection été 2019 intitulée Help et dédiée aux espèces en voie de disparition. Le pourpoint à paniers est rehaussé de rubans en raphia rouge, de gros-grain en coton viscose et de dentelles de Calais peintes à la main. La bordure est garnie de chenille et de rubans velours. Le couturier aime utiliser les rubans de la région stéphanoise pour finir ses créations ; dans ce modèle, il a notamment utilisé des rubans produits par les maisons Julien Faure et Effets Passementeries.

Les rubans de l’intime

L’exposition « Les Rubans de l’intime », présentée en 2021, a retracé l’évolution des usages et de la perception du ruban dans les sous-vêtements du XIXe siècle à nos jours, à travers des pièces exceptionnelles : guêpières de Chantal Thomass – marraine de l’exposition -, robe corsetée de Jean-Paul Gaultier, soutiens-gorge Cadolle, Lise Charmel, Fifi Chachnill, lingerie Dior. « Il s’est posé sur mes créations comme une évidence en donnant une touche de folie et parfois d’indécence », raconte Chantal Thomas (2020).

Musée d’Art et d’Industrie 2, place Louis Comte – 42026 Saint Etienne Tél : +33 (0)4 77 49 73 00 – mai.saint-etienne.fr

Sources : https://www.gsp-textile.fr/ruban/https://www.aphg.fr/IMG/pdf/ruban – Dossier Presse Musée d’Art et d’Industrie de Saint-Étienne

Publié par presscard49096

"Le libre arbitre, c'est le pouvoir de se déterminer soi-même sans être déterminée par rien"